Lettre n° 45  du ME62 
septembre  2020





Le  BREXIT  mal  engagé . . .



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Le  7ème cycle de négociations sur un futur partenariat entre l’Union européenne et le Royaume Uni (RU) s’est achevé le 21 août sans progrès. Le négociateur européen Michel Barnier s’est montré « déçu et préoccupé » face à l’attitude des britanniques qui n’ont eu aucun empressement à traiter les priorités européennes. De son côté David Frost, le patron de l’équipe de négociation britannique, a déclaré « qu’il y avait eu des discussions utiles durant la semaine mais sans progrès significatifs, il a toutefois ajouté qu’un Accord restait possible et que c’était leur objectif ».

S’agit-il de tactiques de négociations, chacun voulant avancer sur ses priorités avant d’offrir des concessions ailleurs ? Aujourd’hui, les négociations sont dans l’impasse et des avancées majeures seront nécessaires avant le Conseil européen des 15 et 16 octobre pour espérer pouvoir conclure et lancer le processus de ratification. Celui-ci devra s’achever avant la fin de la période de transition le 31 décembre minuit pour qu’un Accord entre en vigueur le 1er janvier 2021.

Quels sont les enjeux pour l’Union européenne :

·   ¤ Tout d’abord la pêche, car si même le poids économique du secteur est faible (1,5 % du PIB de l’UE) en termes macro-économique, c’est aussi un secteur qui est très concentré géographiquement. Il est donc essentiel de trouver une solution équilibrée, durable et de long terme. La question est bien connue à Boulogne-sur-Mer – premier port de pêche français – dont les pêcheurs dépendent à 70 % de l’accès aux eaux britanniques, et qui font vivre un tissu économique local fortement dépendant de ces activités. Les britanniques préféreraient un accord séparé sur la pêche et la négociation de quotas annuels pour la centaine de stocks différents qui se trouvent dans leur Zone Économique Exclusive. Pour l’UE ceci est tout à fait exclu et doit faire partie de la négociation d’ensemble avec l’accord de libre échange commercial. Les deux aspects sont liés car les britanniques exportent plus de 60 % de leur poisson dans le marché de l’UE et une grande partie est transformée dans l’Union. C’est donc dans l’intérêt de chacun de s’entendre.

   ·  ¤ des règles du jeu équitables qui ne faussent pas la concurrence. Ce qui se cache sous ce jargon est tout d’abord le maintien de normes élevées en ce qui concerne la réglementation sur les aides d’état et la concurrence, la protection sociale et environnementale et la fiscalité. Si ces règles du jeu équitables (qui seraient convenues entre l’UE et le RU) n’étaient pas respectées pendant la mise en œuvre de l’Accord, l’UE devrait pouvoir activer le règlement des différends et retirer des concessions, choisies de manière unilatérale.

·        ¤ Les dispositions en matière de gouvernance sont tout aussi essentielles notamment le format de l’Accord, qui pour l’UE doit reposer sur un cadre institutionnel unique avec un règlement des différends couvrant tous les sujets avec des possibilités de mesures de rétorsion croisées.

·       ¤ l’intégrité du marché intérieur de l’UE. La question est bien connue, Michel Barnier l’a répété à maintes reprises, les quatre libertés sont indivisibles et il n’est pas question de donner un accès à la carte aux britanniques.

·         ¤ Cette liste n’est pas exhaustive et pourra être complétée dans de prochaines lettres d’information.

Ce que veulent les britanniques ?

·         ¤ La position clé des britanniques, qui est transversale à l’ensemble des sujets de la négociation est leur fameux « taking back control » soit le retour de la souveraineté nationale. Cette position se retrouve notamment dans la pêche où ils ne veulent pas maintenir le statu quo (de la politique commune de la pêche) ou dans la fameuse question de la juridiction de la Cour de Justice Européenne.

·      ¤ Les britanniques ont donné la priorité à la négociation de l’accord de libre-échange, sans droits de douane ni contingents, position partagée par l’UE. Mais la question la plus complexe n’est pas celle des tarifs mais celle des réglementations du commerce (les standards techniques, les normes sanitaires et phytosanitaires, les normes sociales et environnementales qu’ils ne veulent pas contraignantes, les règles d’origine et de cumulation croisée …).

·     ¤ Publiquement les Britanniques prétendent ne vouloir qu’un simple accord de libre-échange comme celui que le Canada a obtenu (le CETA) mais dans la pratique ils demandent bien plus. Un exemple récent, est celui des transporteurs routiers britanniques qui voudraient préserver leur accès actuel et notamment la possibilité de cabotage (transport entre deux points dans le marché de l’UE) sans les obligations qui y correspondent (telles que le temps de travail).

·      ¤ Le Royaume Uni refuse d’inclure la politique étrangère et de sécurité commune et ne voit pas la nécessité d’avoir un cadre commun, ce qui est la préférence pour l’Union. Une coopération sans ce cadre poserait des problèmes, p.ex. pour l’harmonisation de la politique des sanctions.

·     ¤ Il y a encore des divergences sur de nombreux points techniques et importants pour le futur partenariat, on peut citer la reconnaissance mutuelle des diplômes, les règles d’origine, les marchés publics, …

Est-il possible de conclure un accord avant la fin octobre ?

Rappelons que les britanniques ont refusé de prolonger la période de transition actuelle, qui maintient notamment le Royaume Uni dans le marché intérieur et l’Union douanière. Sans accord, les tarifs douaniers frapperont les produits européens importés au Royaume Uni et vice-versa, de plus les contrôles sur les standards des produits, les normes sanitaires, la TVA s’ajouteront à la liste des démarches administratives. De même pour la libre circulation des services, l’accès britannique au marché européen ne sera plus garanti. La liste des entraves au commerce est longue, et il est aisé d’imaginer l’impact d’une telle situation dans le Pas-de-Calais, sur les autoroutes menant vers Calais. Et les pêcheurs de Boulogne-sur-Mer perdraient 70 % de leur zone de pêche. De plus, une fermeture des eaux britanniques, même partielle, entraînerait un accroissement des navires d’autres États membres dans les eaux de l’Union. In fine, au-delà des répercussions économiques immédiates, c’est tout l’avenir d’une politique de gestion durable des ressources, de leur pérennité et de leur rendement sur le long terme qui est en jeu.

Avec un accord, il y aura aussi de nouvelles entraves (p.ex. les contrôles douaniers, TVA, etc.) et le commerce avec le Royaume Uni ne sera plus aussi fluide qu’aujourd’hui. Une communication de la Commission sur la préparation à la fin de la période de transition entre l’Union européenne et le Royaume-Uni « Se préparer aux changements »  – rappelle « qu’un accord de libre-échange n’intègre pas les notions du marché intérieur (dans le domaine des marchandises et des  services) et que les relations seraient très différentes … ». Cette communication vise à préparer les citoyens, les administrations publiques et les citoyens aux changements. 

Mais restons optimistes, il est probable qu’une rencontre politique entre Boris Johnson et les leaders européens pourra débloquer les principales impasses actuelles pour au moins obtenir un accord minimum. Mais quoiqu’il en soit, la route vers un partenariat complet entre l’UE et le RU sera longue et semée d’embûches, et tout accord obtenu permettra de maintenir une dynamique positive et d’enrichir le partenariat dans les années à venir.

En raison de l’importance particulière pour le département du Pas-de-Calais, le Mouvement européen Pas-de-Calais (ME62) continuera à informer régulièrement de la situation et pourra également organiser des séances d’information publiques ou des visio-conférences.

Claude Maerten, vice-président du ME62