Lettre n° 53  du ME62 
mai  2021





Biden pousse l'Europe à l'harmonisation fiscale










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Sous l’effet de la mondialisation, les pratiques de « concurrence fiscale dommageable » selon la définition de l’OCDE, se sont développées : opacité, imposition quasi inexistante dans les paradis fiscaux, mais aussi dans d’autres pays taux d’impositions faibles, possibilité de négocier des dérogations (les « rescrits fiscaux »). Elles sont favorisées par une concurrence entre Etats, qui attirent par ces moyens les entreprises sur leurs territoires. Le résultat de cette concurrence est que, en 40 ans, le taux moyen d’imposition sur les sociétés à l’échelle mondiale a été divisé par deux, passant de 45% à 24%.  Le phénomène s’aggrave avec l’apparition de géants du service numérique, pour lesquels le lieu d’imposition (celui du siège social) n’a plus rien à voir avec les lieux de production du service. Les multinationales domicilient dans des paradis fiscaux 40 % de leurs bénéfices. 7600 milliards de $ sont détenus dans des paradis fiscaux (Gabriel Zucman)

Ces pratiques, légales, sont distinctes des fraudes, illégales. Mais elles font perdre aux Etats des sommes considérables et deviennent inacceptables à l’heure où la crise du Covid a contraint les Etats à s’endetter, et où le changement climatique va nécessiter des investissements publics massifs. Selon les estimations de la Commission, l’évasion fiscale des entreprises en Europe coûte aux pays de l’UE entre 50 et 70 milliards d’euros par an. Le Parlement européen a dénoncé la situation a plusieurs reprises, notamment à la suite de deux commissions d’enquête (TAXE en 2015, PANA en 2017).

La question de la justice fiscale est sensible dans les opinions publiques européennes, mais dans des mesures variables selon les Etats. Selon un Eurobaromètre de mars 2018, la création d’impôts européens ou de taux plancher d’imposition sur les sociétés est largement soutenue France (34.4%) et en Italie (27.8%), beaucoup moins en Allemagne (29.9%), Irlande, Pays-Bas (25%), Luxembourg (24.9%), Suède (21.4%), Finlande (20%), Irlande (12.5%) … Mais la pression publique s’accroit sous l’effet des révélations à répétitions. Sur le Luxembourg : Luxleacks en 2015, enquête Openlux en 2021.

L’Union peine à agir : Négociations laborieuses pour définir une assiette commune d’imposition des sociétés, sans parler d’un taux minimum d’imposition. Directive non encore adoptée imposant aux multinationales des déclarations fiscales par pays. La raison en est connue : les décisions européennes en matière fiscale doivent être prises à l’unanimité des pays membres. Ainsi chaque pays a de fait un droit de véto. L’utilisent notamment le Luxembourg et l’Irlande, mais aussi Chypre, la Hongrie, Malte, les Pays-Bas.

La solution pourrait s’imposer de l’extérieur de l’Europe. L’OCDE (qui rassemble les grandes économies occidentales) conduit depuis des années la recherche d’un accord international sur la fiscalité des multinationales, notamment du numérique. Ces négociations, bloquées par les Etats-Unis sous le gouvernement Trump, pourraient se débloquer grâce à Jo Biden. Celui-ci va relever les taux d’imposition des sociétés aux Etats-Unis et propose un taux minimal d’imposition sur les bénéfices de 21% à toutes les multinationales, quel que soit l’endroit où il est réalisé. L’application d’un taux minimum, augmenterait les recettes fiscales des Etats. Surtout,  elle supprimerait la concurrence déloyale accordée par certains pays à leurs entreprises en leur permettant de loger leurs bénéfices dans des paradis fiscaux ou pays à faible imposition. Le 7 avril les ministres des finances du G20 (les 19 pays les plus riches + l’UE) ont affirmé leur volonté de parvenir à un accord « d’ici à la mi-2021 ». Un accord aurait évidemment une répercussion en Europe.  Ainsi, les Etats-Unis pourraient, en soutenant un accord international, amener les pays Européens à harmoniser leurs fiscalités des entreprises, ce qu’ils ont tant de mal à faire par eux-mêmes.

François Vié, président d’honneur du Mouvement Européen Pas-de-Calais