Lundi 14  octobre  2019 "Le dialogue social en France et en Europe"
par   Michel  POTTIER


Le Mouvement Européen du Touquet accueillait ce 14 Octobre Monsieur Jean Michel Pottier pour une conférence sur « Le Dialogue Social en France et en Europe ». Chef d’entreprise, ancien Vice- Président Confédéral en charge des Affaires Sociales des Petites et Moyennes Entreprises(CGPME), actuellement titulaire de plusieurs mandats importants de représentation patronale (AGEFOS PME, AGS, UNEDIC, Pôle Emploi…), membre du Conseil Economique, Social et Environnemental.
Monsieur J.M. Pottier a également enseigné à l’Institut d’Administration des Entreprises de Valenciennes en tant que Maître de Conférence Associé et présidé le Conseil d’Administration de ce même Institut.
Devant une centaine de personnes, il a exposé brillamment et non sans un certain humour, les méandres françaises des négociations sociales et leurs récentes évolutions. Après avoir présenté les pratiques de nos voisins européens, Monsieur J.M. Pottier a conclu sur  le fonctionnement et les réalisations de l’Union Européennedans ce domaine.
A retenir la citation de Monsieur Jacques Chirac : «…Nous devons inviter les corps intermédiaires, syndicats, associations, groupements ,à prendre part à la décision politique.Ainsi nous comblerons le vide dangereux entre l’Etat et l’individu qui résulterait d’une vision trop étroitement politique de la démocratie.Il n’y a pas de démocratie moderne sans une démocratie sociale… ».

La soirée s’est terminée par le traditionnel pot de l’amitié.


La prochaine conférence du Mouvement Européen du Touquet se déroulera le lundi4 Novembre 2019 à 18h15 à la Maison des Associations du Touquet sur le thème : « L’Esclavage, mauvaise conscience de l’Européen », par Jean-Claude Hocquet, Professeur Honoraire des Universités, Directeur Honoraire de Recherche au CNRS, Ancien Vice-Président à l’université de Lille III, Président du Comité international de Métrologie historique.

 
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COMPTE-RENDU  de  la  CONFÉRENCE

La place des corps intermédiaires

« …Nous devons inviter les corps intermédiaires, syndicats, associations, groupements ,à prendre part à la décision politique.
      Ainsi nous comblerons le vide dangereux entre l’Etat et l’individu qui résulterait d’une vision trop étroitement politique de la démocratie.
      Il n’y a pas de démocratie moderne sans une démocratie sociale… »
      Discours d’un président de la République à l’occasion du 50ème anniversaire du Conseil Economique et Social

Le modèle français du dialogue social
    Le modèle social
, en France, repose sur deux grands éléments :
·                     la politique conventionnelle au niveau national interprofessionnel, des branches professionnelles et des entreprises,
·                     la gestion paritaire d’un certain nombre de régimes ou d’organismes dont l’existence découle d’ailleurs souvent de la politique conventionnelle,

La représentativité des partenaires sociaux
·                     Le respect de valeurs républicaines
·                     L’indépendance
·                     La transparence financière
·                     Une ancienneté d’au moins deux ans
·                     Une influence, prioritairement caractérisée par l’activité
·                     Des effectifs d’adhérents et des cotisations suffisants
·                     L’audience

La représentativité des organisations
           Règles permettant de mesurer  la représentativité des organisations  au niveau national interprofessionnel et au niveau des branches professionnelles
 :
           Pour les organisations patronales :
 représenter soit au moins 8 % de l’ensemble des entreprises adhérentes aux organisations candidates, soit au moins 8 % des salariés
              de ces mêmes entreprises.
           Pour les organisations syndicales de salariés :  représenter au moins 8% de l’audience totale des organisations mesurée lors des élections professionnelles

La consultation préalable des partenaires sociaux avant tout changement de législation sociale :  la loi Larcher                

                       Article  L1  LOI n°2008-67 du 21 janvier 2008 - art. 3                 

                       Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle
                        et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés
                        et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation               

                       A cet effet, le Gouvernement leur communique un document d'orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options.
                       Lorsqu'elles font connaître leur intention d'engager une telle négociation, les organisations indiquent également au Gouvernement le délai qu'elles estiment
                            nécessaire pour conduire la négociation.                 

                       Le présent article n'est pas applicable en cas d'urgence.

Le document d’orientation
      Les limites de l’exercice

                          Quand le politique préempte la négociation….     il n’y a plus de monnaie d’échange :
                                    par exemple :     ASSURANCE CHOMAGE

La réponse des partenaires sociaux à travers la négociation
      Au niveau national

           -    d’un Accord National Interprofessionnel,
           -    d’une délibération,
           -    d’une lettre paritaire,
           -   d’un relevé de conclusions,
           -    d’un constat d’échec.
      Au niveau de la branche professionnelle et de l’entreprise
           -   D’un accord de convention collective
           -    D’un accord d’entreprise

La transcription législative

      Exemple, s’agissant du travail à temps partiel :

                             l’article 11   de l’Accord National Interprofessionnel du 11 Janvier 2013 « pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des
                entreprises et de la sécurisation de l’emploi »  :
            -    la durée minimale d’activité est fixée à 24 h par semaine mais la demande du salarié n’est pas requise pour les salariés embauchés avant l’entrée en vigueur du présent
               accord et quand l’activité ne le permet pas (c’est-à-dire quand l’activité de l’entreprise ne permet pas de mettre en œuvre la durée minimale de 24 heures).

                          l’article 12   de la Loi du 14 Juin 2013 « relative à la sécurisation de l’emploi » qui ne transcrit pas exactement l’article 11  
            -    la durée minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à 20 heures  et l’Ordonnance du 29 janvier 2015 « relative à la simplification et à la sécurisation
               des modalités d’application des règles en matière de temps partiel»
qui    revient sur cette « mauvaise transcription » de l’article 11 de l’ANI du 11 Janvier 2013.

Et si l’on faisait confiance aux pme et à leurs salariés

    « Modalités de négociation dans les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical
            « Art. L. 2232-20-1.
 - Dans les entreprises employant moins de cinquante salariés dépourvues de délégués syndicaux, ou de délégué du personnel désigné
                 comme délégué syndical, l'employeur peut conclure un accord collectif de travail avec les délégués du personnel.
                « L'accord peut également être conclu avec les représentants élus du personnel au comité d'entreprise ou à la délégation unique du personnel ou à l'instance mentionnée à l'article L. 2391-1.

            « Art. L. 2232-20-2. - La validité de l'accord mentionné à l'article L. 2232-20-1 est subordonnée à sa signature par un ou plusieurs représentants élus titulaires ayant recueilli au moins 30 %
                 des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que
                 soit le nombre de votants.

La gestion paritaire et les formes dérivées (tripartite, quadripartite…)
           Une gestion paritaire pure dans :

               la formation professionnelle,
               les retraites complémentaires,
               l’assurance chômage.

Comparaison européenne :  l’Allemagne :  la cogestion
       deux formes de cogestion en droit allemand :

                       1. la cogestion d’établissement (exercée par le conseil d’établissement) :
                               - on parle de co-décision pour le conseil d’établissement, quand ses droits vont de l’information - consultation, jusqu’à un véritable pouvoir de co-décision
                              par lequel le conseil est sur un pied d’égalité avec l’employeur.
                           - on parle de co-détermination lorsque le conseil d’établissement conclut avec l’employeur de véritables conventions d’établissement qui ont un effet  normatif.
                       2. la cogestion d’entreprise (exercée par le conseil de surveillance)
                           Les pouvoirs du conseil d’établissement portent principalement sur les conditions de travail, tandis que les pouvoirs des représentants des salariés au conseil de surveillance ou     
                d'administrationportent sur les décisions économiques et stratégiques

Le modèle allemand
           la Constitution allemande garantit la liberté syndicale.

           Cette liberté implique le principe de « l’autonomie collective » pour lequel aucune forme d’ingérence de l’État n’est permise, si ce n’est pour garantir ce droit fondamental.
           La légitimité des syndicats allemands repose donc sur cette « autonomie collective » et le rapport de force ainsi établi avec l’employeur et non sur l’élection.
           Les syndicats sont  organisés à un niveau supérieur à l’entreprise, par branches d’industries, et relativement unifiés au sein d’une même confédération.
           C’est ce qui les rend puissants face à l’employeur. En     revanche, les syndicats n’ont pas besoin d’être « représentatifs » par rapport aux salariés, puisqu’ils ne représentent que leurs membres.
           Par ailleurs, il n’y a pratiquement pas de négociations au niveau national interprofessionnel.

Le modèle espagnol :  la concertation
                -  Une tradition de concertation bien établie
                       Depuis la restauration de la démocratie en 1979, les relations professionnelles sont marquées, malgré quelques éclipses, par la recherche de pactes sociaux.
                       La légitimité dont jouissent les organisations syndicales et patronales repose davantage sur une concertation centralisée avec le gouvernement que sur la confrontation au sein des entreprises.
            Jusqu’au milieu des années 1980, cette stratégie impulsée par l’État a abouti à la signature de nombreux accords sociaux à l’échelle nationale
              -   Un impact majeur de la crise économique :
            Pour tenter de calmer les marchés financiers et satisfaire aux demandes pressantes de la Commission européenne, le gouvernement espagnol a élaboré un programme de rigueur budgétaire
            s’appuyant sur le triptyque suivant : plan de retour à l’équilibre des finances publiques, réforme du marché du travail et refonte du système des retraite

        -  Un équilibre impossible entre concertation et dirigisme :
                                  C’est principalement autour de l’enjeu de la flexibilisation du marché du travail que s’est jouée cette alternance entre concertation et dirigisme étatique.
                        Les gouvernements qui se sont succédé ont progressivement autorisé puis libéralisé les contrats de travail à durée déterminée et le travail intérimaire.
             Le succès de ces formules auprès des entreprises a transformé le marché du travail où, à partir de 1994, le contrat temporaire est devenu le mode dominant d’embauche.
             Depuis le début des années 1990, le pourcentage de ce type de contrats a passé la barre des 30 % pour ne plus redescendre en dessous de  celle-ci.

Le modèle belge :  la concertation sociale et un syndicalisme de service
             La régulation sociale belge est l’héritière du «Pacte social» de l’après deuxième guerre. Le pacte a édicté quelques principes qui continuent d’inspirer les relations sociales :
                        Le choix du paritarisme qui place les partenaires sociaux à égalité de responsabilité.
                        La prééminence de la négociation collective qui a entraîné une limitation de l’intervention de l’Etat    un système de négociation qui s’appuie sur des structures paritaires permanentes,
                 une forte institutionnalisation du système social avec de nombreuses institutions.
                        L’organisation patronale Il n’existe qu’une seule organisation patronale, la Fédération des entreprises belges, qui est la porte parole des entrepreneurs et le partenaire social des
                syndicats et des pouvoirs publics. Le taux d’adhésion des entreprises est élevé : près de 70%. L’organisation faîtière fédère une cinquantaine de fédérations professionnelles.                    

                Le syndicalisme belge a plusieurs caractéristiques.
                        Le taux d’adhésion aux syndicats est parmi les plus élevés d’Europe, environ 50%.
                        le syndicalisme belge est réformiste, apte au compromis et combattif, ouvert à l’existence de services aux adhérents. Les syndicats offrent en effet divers  avantages à leurs adhérents :
                 - caisse de grève.
                 - centres de formation professionnelle qu’ils gèrent avec les employeurs.
                 - assistance juridique qui va au-delà des conflits du travail.
                  gestion des allocations chômage.
             Les différences idéologiques qui existent entre les trois syndicats ne les empêchent pas de pratiquer une unité d’action.

Le modèle scandinave :  le consensus
                        les représentants des travailleurs et des entreprises se parlent et parviennent à s'entendre dans un climat de responsabilité réciproque.
                       la culture du consensus repose sur un contrat social mariant confiance et transparence.
                      Ceci exige l’existence de partenaires sociaux avec lesquels l’Etat, au niveau national, et les dirigeants d’entreprises, au niveau local, entretiennent un dialogue permanent
            pour parvenir au compromis. Un taux élevé de syndicalisation (52-70%) contribue à son émergence et à sa pérennité. 

Le dialogue social européen :  une disposition du traité européen
                       la mise en œuvre d’une décision du Conseil adoptée par ratification d’un accord collectif signé au niveau européen.
            Objectifs
                  En vertu de l’article 151 du traité FUE, l’Union européenne et des États membres ont pour objectif commun de promouvoir le dialogue entre les employeurs et les travailleurs.
                  L’objectif du dialogue social est d’améliorer la gouvernance européenne par la participation des partenaires sociaux à la prise de décisions et à la mise en œuvre.
                  Conformément à l’article 154 du traité FUE, la Commission doit consulter les partenaires sociaux avant d’entreprendre toute action dans le domaine de la politique sociale.
                  Les partenaires sociaux peuvent alors plutôt choisir de négocier un accord entre eux. Ils ont neuf mois pour négocier
                  L’article 153 du traité FUE donne aussi aux États membres la possibilité de confier aux partenaires sociaux

Dialogue social européen: une mise en œuvre poussive
    Accords-cadres mis en œuvre par une directive :
        Accord-cadre sur le congé parental (1995), révisé en 2009.
        Accord-cadre sur le travail à temps partiel (1997)
        Accord-cadre sur les contrats de travail à durée déterminée (1999)
        Non aboutissement des négociations sur le travail temporaire, qui a donné lieu à une proposition de directive de la Commission bloquée au Conseil (2002)
        Accords-cadres autonomes mis en œuvre par les partenaires sociaux eux-mêmes :
        Accord-cadre autonome sur le télétravail (2002)
        Accord cadre autonome sur le stress lié au travail (2004)
        Accord cadre sur la violence et le harcèlement au travail (2007)
        Accord cadre sur les marchés du travail inclusifs (2010)
        Cadres d’actions :
            Cadre d’actions sur la formation tout au long de la vie (2002)
            Cadre d’actions sur l’égalité hommes-femmes (2005)

Une politique sociale européenne :  un parcours complexe
    Les réalisations de l’UE en matière d’Europe sociale concernent quatre grands domaines :

        – la libre circulation des travailleurs et la coordination des régimes de sécurité sociale : tout ressortissant de l’UE a le droit de travailler, sans discrimination,
            dans un autre pays membre et d’y être socialement assuré ;
        – l’égalité des hommes et des femmes : de nombreuses directives ont été prises depuis 1975 pour garantir l’égalité de traitement au travail, de rémunération et de sécurité sociale.
           Un Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes, créé en 2006, est opérationnel depuis décembre 2009 (siège à Vilnius) ;
        – le droit du travail : protection des droits individuels, collectifs, et garantie de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail ;
        – la lutte contre les discriminations

Les directives européennes
    DERNIER EXEMPLE EN MATIERE SOCIALE
                       En 2018, l'épineuse révision de la directive sur les travailleurs détachés a également abouti, après deux ans de négociations. Est consacré le principe "à travail égal, rémunération
            égale sur un même lieu de travail
". Les conventions collectives du pays d'accueil seront appliquées, tandis que le détachement sera limité à 12 mois.
            Enfin, la création d'une Autorité européenne du travail (AET), dont l'objectif sera l'encadrement de la mobilité des travailleurs, a été entérinée en février 2019

LE SOCLE EUROPEEN DES DROITS SOCIAUX: une relance de la commission européenne sous présidence Junker

                       L’objectif du socle européen des droits sociaux est de donner aux citoyens des droits nouveaux et plus efficaces. Il comprend 3 grands volets :
                       Égalité des chances et accès au marché du travail
                       Conditions de travail équitables
                       Protection sociale et inclusion sociale
                 Le socle européen des droits sociaux a été approuvé par le Parlement européen, le Conseil et la Commission lors du  sommet social pour des emplois et une croissance équitables, 
                       le 17 novembre 2017 à Göteborg. Cette approbation reflète le soutien unanime de toutes les institutions de l’UE aux principes et droits relevant du socle.
                             La mise en application des principes et des droits ancrés dans le socle européen des droits sociaux est une responsabilité conjointe des institutions de l’Union européenne,
                des États membres, des partenaires sociaux et d’autres parties prenantes. Les institutions européennes contribueront à définir le cadre et, si nécessaire, à donner des orientations
                pour mettre en œuvre le socle dans la législation, dans le plein respect des compétences des États membres et en tenant compte de la diversité des situations nationales.