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LE BILLET EUROPÉEN du 27 mai 2025 |
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Cinq ans après le Brexit : le rapprochement ? . . . | ||
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Le 19 mai 2025, le
Premier ministre britannique, Keir Starmer (au centre), a reçu à Londres la
présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président
du Conseil européen, António Costa, pour le tout premier sommet bilatéral entre
l'UE et le Royaume-Uni depuis le Brexit - Crédits : Aurore Martignoni /
Commission européenne "Reset". Le mot était sur toutes les lèvres du gouvernement britannique ces dernières semaines. C'est lui qui a donné le ton du sommet, lundi 19 mai, entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, le premier depuis le divorce entre les deux parties, il y a cinq ans. Une rencontre officielle entre Ursula von der Leyen, António Costa et Keir Starmer, qui visait à acter le rétablissement d'un dialogue structuré entre les deux rives de la Manche. Depuis l'élection du travailliste Starmer à Downing Street en juillet 2024, les signaux de détente à l'égard du continent se sont multipliés : fin des provocations verbales, reprise des échanges techniques, initiatives politiques communes . . . Le sommet du 19 mai a permis de franchir une nouvelle étape en venant joindre les actes aux nombreux discours d'intentions. En rupture avec ses
prédécesseurs conservateurs, Keir Starmer entend stabiliser les relations
avec Bruxelles, sans raviver les tensions internes, car le Brexit divise
toujours profondément la société britannique. Le populiste anti-européen Nigel
Farage et son parti, Reform UK, restent puissants dans les sondages, tandis que
les tabloïds ne se privent pas de crier à la "trahison" à chaque
signe d'ouverture envers l'U.E. |
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Le Premier ministre
avance donc sur une ligne de crête, tentant de reconstruire une relation
pragmatique avec l'Union, sans rouvrir la boîte de Pandore d'un éventuel retour
du Royaume-Uni dans le marché unique ou l'union douanière. Signature d'un pacte
de défense et de sécurité Dans un contexte
international marqué par les menaces que fait peser la Russie de Vladimir
Poutine et l'incertitude autour du partenariat avec les États-Unis de Donald
Trump, la sécurité du Vieux Continent a constitué le point de convergence le
plus naturel entre Bruxelles et Londres. Le sommet a ainsi
abouti à la signature d'un pacte de défense et de sécurité, qui prévoit une
coopération accrue dans les domaines du renseignement, de la cybersécurité, de
la protection des infrastructures critiques ou encore des opérations
extérieures. Surtout, cet accord
doit amorcer une participation du Royaume-Uni à certains programmes européens
d'achats militaires, via le futur mécanisme SAFE (Security Action For Europe),
doté de 150 milliards d'euros. Un enjeu de taille pour l'industrie britannique
de la défense. Mais plusieurs États membres, dont la France, veillent à ne pas
ouvrir trop largement les vannes. Le texte reste volontairement vague, et une
nouvelle négociation sera nécessaire pour en fixer les contours exacts. De nombreux sujets à
l'agenda des prochains mois Outre la défense, les
deux parties ont signé une déclaration d'intention qui énumère les sujets à
négocier dans les mois à venir. Parmi eux : la mobilité des jeunes, la
coopération énergétique, la reconnaissance des qualifications professionnelles,
la régulation sanitaire, les échanges commerciaux et la pêche. Sur ce dernier point,
un compromis délicat a été trouvé. Les Européens ont obtenu une extension de
douze ans de l'accès aux eaux britanniques, jusqu'en 2038. Une décision saluée
à Paris, mais vertement critiquée par l'opposition conservatrice britannique.
La cheffe des Tories, Kemi Badenoch, a dénoncé une "capitulation",
tandis que les tabloïds pro-Brexit hurlent – une nouvelle fois – à la
trahison. Autre dossier
explosif : la mobilité étudiante et professionnelle. Depuis la fin du
programme Erasmus+ outre-Manche et l'instauration des visas
pour les jeunes Européens, les échanges ont chuté. Plusieurs États membres
plaident pour un accord sectoriel. Londres se dit ouvert à des discussions,
mais rejette tout retour à la libre circulation. Sur le plan
économique, les discussions restent prudentes. Keir Starmer n'envisage pas de
revenir sur les lignes rouges du Brexit, laissant la société s'emparer de
ce sujet. Selon les derniers sondages, 55 % des Britanniques considèrent
aujourd'hui le Brexit comme une erreur. Le patronat et certains
syndicats défendent même l'idée d'un retour dans l'union douanière. Le gouvernement,
lui, temporise. En revanche, des
accords techniques ciblés pourraient émerger. Le Royaume-Uni est déjà en
discussion pour alléger les contrôles vétérinaires aux frontières, notamment
pour les produits agroalimentaires. Un alignement "dynamique" sur
certaines normes européennes pourrait aussi faciliter les exportations
britanniques vers le continent. L'un des rares
domaines où le Royaume-Uni assume une position résolument distincte de
l'UE est celui de la régulation technologique. Tandis que les Vingt-Sept
ont adopté un AI Act encadrant strictement l'intelligence artificielle, Londres
privilégie une approche plus souple, tournée vers l'innovation et
l'attractivité économique, qui rapproche le pays du modèle américain. Mais
cette autonomie réglementaire pourrait poser des problèmes à moyen terme :
divergences de normes, difficultés d'interopérabilité et risques pour les
investissements croisés. Instaurer une
relation gagnant-gagnant Le sommet du 19 mai a
donc permis de poser les bases d'un nouveau cycle de coopération, après cinq
années de tensions et de brouilles. Pour Bruxelles comme pour
Londres, l'enjeu est désormais de donner corps à ce partenariat
"post-Brexit", sans tomber dans une nostalgie européenne, ni dans une
logique d'alignement automatique. Côté britannique, le
calcul est clair : face à l'imprévisibilité de Donald Trump,
l'UE doit redevenir un partenaire stratégique de long terme. Le
Royaume-Uni cherche à retrouver un rôle d'influence auprès du reste de
l'Europe, sans revenir dans le giron communautaire. Côté européen, les attentes
sont mesurées, mais la disponibilité est réelle. Reste à voir si ce "reset" survivra à l'épreuve du temps et des prochaines échéances électorales. À court terme, il confirme une chose : le Brexit n'a pas clos le chapitre des relations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Il a simplement ouvert une nouvelle phase, plus complexe, mais peut-être plus lucide. Caty
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