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RAPPORT de monsieur Olivier GRAS ( DIAPORAMA après ce rapport )
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
C’est un grand honneur pour
moi d’être reçu ici, dans cette belle ville du Touquet, ville de villégiature mais
qui a connu comme tant d’autres les affres et les destructions des deux guerres
mondiales.
C’est bien la raison de
fond, établir la paix entre les peuples européens, qui est à la base du projet
européen.
L’Union européenne, comme
l’ont dit les pères fondateurs, tire son origine du partage du charbon et de
l’acier, les matériaux de la guerre, pour bâtir la paix.
L’Union a été conçue comme
un projet de paix, pour développer le commerce entre ses membres, le marché
commun, en laissant aux Etats membres leur entière souveraineté en matière de
défense et de diplomatie. Cette dimension intergouvernementale est inscrite
dans les Traités : la politique de sécurité et de défense commune définie
à l’article 42 du Traité de l’Union européenne.
On peut souligner à l’inverse
que les Etats-Unis d’Amérique se sont bâtis pendant leur guerre d’indépendance
et leurs pères fondateurs ont alors confié à la fédération de leurs Etats la
défense et la diplomatie.
Ces années de fondation de
l’Union européenne étaient toutefois celles du début de la guerre froide. Douze
pays européens et américains se sont retrouvés face à un ennemi commun, l’Union
soviétique, et se sont entendus pour signer en 1949 le traité de l’Atlantique
Nord dont nous allons célébrer cette année le soixante quinzième anniversaire.
A la différence de l’Union
qui est de promouvoir la paix, le fondement de l’OTAN est de pouvoir faire la
guerre et de s’y préparer. Très vite cette finalité dissuasive de l’OTAN s’est
affirmée puisque quelques semaines après sa signature, les soviétiques ont levé
le blocus de Berlin.
Avec ce double dispositif
OTAN et UE, les pays qui en sont membres sont en paix depuis près de 80 ans. Il
faut remonter à l’empire romain pour retrouver en Europe une aussi longue
période de paix.
La guerre s’est brutalement
réveillée le 24 février 2022 avec l’agression de l’Ukraine par la Russie.
C’est bien pour faire
perdurer, pour renforcer, cette magnifique et singulière construction
européenne que nous devons prendre conscience des enjeux et y faire face. La
devise romaine « si vis pacem, para bellum » n’est jamais autant
d’actualité.
C’est tout l’enjeu de la
défense de l’Europe, d’être en mesure de maîtriser notre destin.
Tout d’abord la géographie
nous y invite. La France est au cœur de l’Europe. De ce simple fait, la France
ne peut pas rester insensible à ce qui se passe en Europe.
1) La guerre dans l’ex
Yougoslavie avait déjà conduit les Britanniques et les Français à prendre
conscience en 1998, dans la déclaration de Saint Malo, que l’Union européenne
« doit avoir une capacité autonome d’action, appuyée sur des forces
militaires crédibles, avec les moyens de les utiliser et en étant prête à le
faire afin de répondre aux crises internationales ».
C’est dans cette dynamique
qu’ont été créées l’Etat major de l’Union européenne, pour préparer et
conduire des opérations militaires, et l’agence européenne de défense,
pour faciliter la mise en place de coopérations d’armement, mener des
opérations de recherche et aider à restructurer l’industrie de défense.
L’Agence est toutefois dotée de moyens modestes (125 personnes), alloués par
les Etats membres, en regard de sa large mission.
Il faut aussi mentionner La
coopération structurée permanente. Envisagée par les signataires du traité
comme une avant-garde d’États qui « remplissent les critères les plus
élevés de capacités militaires et qui ont souscrit des engagements plus
contraignants en vue des missions les plus exigeantes », elle est mise en
œuvre de manière plus « inclusive » et moins exigeante.
N'oublions pas l'Organisation conjointe de coopération en
matière d’armement (OCCAr), agence inter- gouvernementale, hors du périmètre
de l’Union qui, avec ses principes innovants, est un lieu de choix pour la gestion
gestion des programmes de coopération, comme l'a déclaré la Cour des Comptes 1.
Les programmes en cours
gérés par l'OCCAr représentent environ 100 Milliards d’Euros.
De nombreuses opérations militaires
ont été ou sont menées. L’une des dernières en date est l’opération Aspides,
lancée en février 2024, pour sécuriser le traffic maritime au large du Yemen face
aux attaques par missiles des Houthis. Cette opération navale associant cinq
Etats membres de l’Union, (FRA, BEL, ITA, GRE, NLD) a déjà protégé plus de 120
navires marchands (Elle rassemble 1000 marins sur 4 frégates et un navire de
soutien logistique).
L’Union mène également des
missions civiles de police et de soutien aux forces de sécurité ou à l’état de
droit. A la différence des opérations militaires qui sont financées par les
Etats membres, les opérations civiles sont financées par le budget de l’Union.
A côté de l’intergouvernemental, le
communautaire est devenu un grand cadre de l’Union en matière de défense.
La Commission, compétente
sur plusieurs questions réglementaires comme la protection des investissements
et des infrastructures sensibles, la concurrence, la compétitivité de
l’industrie de l’Union, la sécurité d’approvisionnement et la maîtrise des
technologies clés, ainsi que dans la relation globale avec les tiers, est un
acteur de plus en plus important avec le plein soutien du Conseil et du
Parlement européen.
Le
fonds européen de défense (FED) a
ouvert la voie à un renforcement de la Base Industrielle et Technologique de
Défense Européenne (BITDE). Cet outil, fondé sur la base de l’article 173 du
traité de fonctionnement de l’UE (TFUE), vise à renforcer l’industrie et
développer l’autonomie stratégique de l’UE. C’est un outil communautaire, doté
de 7,9 Milliards d’euros sur la période 2021-2027, mis en œuvre actuellement
selon les procédures des programmes cadres de recherche et de développement.
Pour
leur part, les industriels et laboratoires français sont présents dans 83 des
102 projets retenus dans les deux premiers appels à projets de 2021 et 2022
pour un montant total d’environ 250 M €. Ils en sont les premiers bénéficiaires
au plan européen.
2) L’acte d’agression contre l’Ukraine du
président Poutine a créé un électrochoc dans les consciences des Européens et
celles de leurs dirigeants qui a fait progresser la défense de l’Europe.
L’un des premiers effets a
été l’élaboration du concept d’autonomie stratégique lors du sommet de
Versailles au printemps 2022. Il s’agit d’abord de réduire notre dépendance
dans des secteurs clés, des semi-conducteurs aux matières premières critiques.
Le « Chips Act », ou paquet législatif sur les semi-conducteurs en
est l’archétype.
Le « Chips Act »
vise à doubler la production européenne en semi-conducteur pour qu’elle
représente en 2023 20% du marché mondial estimé à plus de $1100 Milliards. Cela
représente un investissement public de € 43 Milliards auquel s’ajoute un
montant du même ordre de financements privés. Je souligne que l’électronique
représente plus de la moitié du coût d’un système d’armes.
Le soutien à l’Ukraine par
les Etats membres se manifeste par la livraison d’équipements et de missiles ou
de munitions dont le besoin est considérable. Ceci se traduit par la mise en
place d’outils à la fois intergouvernementaux, comme la facilité européenne
pour la paix abondée par les Etats membres à hauteur de € 12 milliards, et
communautaires, au titre du renforcement de l’industrie de défense.
Nous retrouvons la nécessité
vitale du « nerf de la guerre ». Les Etats membres de l’Union ont dépensé
en 2023 plus de € 270 Milliards. Ces dépenses sont en augmentation, l’OTAN
comptabilisant les investissements de défense des alliés européens à près $ 470
milliards en 2024 (soit € 430 milliards).
Elles devront être accompagnées
de financements publics, peut être sous forme d’emprunt, venant de la Banque
européenne d’investissement qui vient d’assouplir ses conditions de financement
des projets duaux, mais aussi d’acteurs privés. Il y a encore beaucoup d’effort
à faire pour faire comprendre que l’industrie de défense est vertueuse et
durable.
Ces dépenses, importantes,
demandent toutefois à être mises en synergie, pour éviter les duplications
inutiles. Elles doivent également viser à renforcer l’industrie européenne de
défense de préférence aux achats hors de l’Union européenne, estimés à près de
80% des dépenses d’équipement des pays européens par la Commission dans sa
récente stratégie sur l’industrie européenne de défense.
C’est tout l’ambition des
programmes d’armement bilatéraux comme le
Système de combat aérien du futur (SCAF) et Main
Ground Combat System (MGCS) de structurer l’industrie de défense européenne
et de rendre effective notre autonomie stratégique. A cet égard, concernant le MGCS, les ministres de la défense français et
allemand sont tombés d’accord le 22 mars dernier sur une répartition de la
charge industrielle entre la France et l’Allemagne.
Ces
programmes suscitent l’intérêt d’autres pays européens.
Les
autres coopérations européennes, particulièrement avec le Royaume-Uni, restent
essentielles. Ces coopérations sont menées dans le cadre
des Traités dits de « Lancaster House » conclus en 2010. L’industriel
MBDA, leader mondial des missiles, en est largement issu. Lors du sommet
franco-britannique du 10 mars 2023, les deux pays se sont engagés à poursuivre
le développement du futur missile antinavire / futur missile de croisière
(FMAN/FMC) pour éviter des lacunes capacitaires.
4) l’OTAN assure la défense
collective des Etats qui en font partie. L’OTAN dispose de moyens communs,
centres de commandement, systèmes d’alerte avancés, de communications, de
manière à pouvoir répondre immédiatement en cas d’agression d’un allié de
l’OTAN, selon les termes de l’article 5 du traité de Washington.
Je souligne que les forces
de l’OTAN sont celles que les alliés mettent, volontairement, à la disposition
de l’OTAN. Ce sont les mêmes forces, qui peuvent servir tantôt sous
commandement national, tantôt sous la bannière de l’UE ou mises à la
disposition de l’OTAN.
L’OTAN est le cadre de
référence de définition des conditions d’interopérabilité des forces alliées,
c’est-à-dire des conditions techniques ou procédurales pour que des forces de
pays différents puissent opérer efficacement ensemble.
L’OTAN est enfin une
alliance nucléaire.
La défense des pays
européens repose aussi sur leur prospérité, à même d’assurer son financement.
Les pays européens prennent
conscience qu’ils doivent faire face à la situation critique. Tout dépend de
leur volonté politique. L’Union fait la force.
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